Photo qui coiffe le billet : Jean Riel, fils de Louis Riel. Vers 1890. Source : Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Vieux-Montréal, Fonds Famille Mercier, P74,S8,SS2,SSS4,P4.

Un texte de Guillaume Marcotte, historien

Parmi les anecdotes historiques qui restent à être documentées davantage pour en vérifier l’authenticité, figure la présence étonnante de plusieurs personnages intimement reliés à la Résistance du Nord-Ouest de 1884-1885 sur les chantiers du chemin de fer National Transcontinental, qui allait traverser l’Abitibi dans les années 1910.

On retrouve, dans la monographie intitulée L’Abitibi d’autrefois, d’hier et d’aujourd’hui, publiée en 1937 par Pierre Trudelle, ce passage étonnant faisant mention du capitaine Doucet, mais aussi du fils de Louis Riel et d’un vague parent de Gabriel Dumont. Mais cette fois, c’est le chemin de fer abitibien qui en devient le théâtre, quelques trente ans après la fin des combats dans la prairie canadienne. À la page 40 de l’ouvrage de Trudelle, on peut lire :

« Parmi les principaux ingénieurs du Transcontinental, se trouvait M. A.-E. Doucet, qui dirigeait la construction dans le district de Québec, et qui a laissé son nom à la gare de la première division voisine de celle de Taschereau.

Coïncidence remarquable, M. A.-E. Doucet avait été capitaine dans l’armée du gouvernement fédéral durant les hostilités avec les métis de l’Ouest ayant à leur tête Louis Riel et Gabriel Dumont. Ayant été frappé d’une balle, M. Doucet souffrait d’une infirmité à un bras.

Ce dernier protégea tout spécialement l’un de ses ingénieurs qui se faisait remarquer par son application au travail et qui n’était autre que M. Joseph Dumont, ayant une certaine parenté avec Gabriel Dumont qui avait dû capituler devant les forces du fédéral et se réfugier aux États-Unis pour ne pas subir le même sort que Louis Riel. Comme simple manœuvre, l’un des fils de Louis Riel travaillait aussi à la construction du Transcontinental ».


Gauche : Jean Riel, fils de Louis Riel. Vers 1890. Source : Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Vieux-Montréal, Fonds Famille Mercier, P74,S8,SS2,SSS4,P4.

Droite : L’ingénieur et officier pendant la Résistance du Nord-Ouest, Arthur Émile Doucet. Source : Charles Whately Parker et Barnet M. Greene (1912), Who’s who in Canada: An Illustrated Biographical Record of Men and Women of the Time, Volume 14, International Press, p. 1473.

Rappelons que la Résistance du Nord-Ouest, qui s’est déroulée en 1884-1885 dans ce qui est aujourd’hui la Saskatchewan et l’Alberta, est un conflit armé qui a opposé des groupes métis et certaines Premières Nations à l’État canadien, à la suite d’années d’insécurité dans les Plaines de l’Ouest. Les événements se termineront dramatiquement par la pendaison de Louis Riel et l’incarcération de nombreux leaders autochtones.

Une recherche préliminaire permet certainement de confirmer la présence d’Arthur Émile Doucet durant plusieurs batailles liées à la Résistance du Nord-Ouest, de même que son rôle important comme ingénieur pendant la construction du chemin de fer National Transcontinental qui allait passer par l’Abitibi.

Il n’en va toutefois pas de même pour l’emploi de Jean Riel sur les mêmes chantiers. En effet, rien ne laisse croire que ce dernier ait eu le temps d’occuper le poste de « chaîneur » qui lui était offert en 1908 alors qu’il vivait dans la province de Québec, où il s’était marié. Jean Riel trouva la mort dans son Manitoba natal, auprès de sa famille, peu de temps après avoir reçu cette offre d’emploi. S’il s’avérait qu’il travailla quelques jours sur les chantiers du Transcontinental, ce ne fut pas au Québec. Il avait néanmoins travaillé dans les années précédentes pour le ministère des Terres et Forêts du Québec, puis pour celui de la Colonisation et des Mines.

Quant à l’histoire des liens de parenté vagues entre Gabriel Dumont et un ingénieur nommé Joseph Dumont, elle demeure pour l’instant un mystère à éclaircir pour ceux et celles qui voudront bien s’y attaquer!

Gabriel Dumont. Photographie de Henri Larin. Vers 1887. Source : Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Vieux-Montréal, Fonds famille Bourassa, P266,S3,SS1,P24.