Photo qui coiffe le billet : Chart of part of Hudson’s Bay and Rivers & Lakes falling into it by Philip Turnor (détail). 1782-1783. Source : Hudson’s Bay Company Archives, G.1/1.

Un texte de Chloe Lee-Hone et Guillaume Marcotte 

Sur les berges de la rivière Duparquet, au mitan du XVIIIe siècle, se trouvait un poste de traite français d’une importance significative dans la région. Surnommé Pano, en raison du nom de l’un de ses gérants, ce site demeure l’un des plus intéressants pour l’archéologie historique en Abitibi-Témiscamingue.

En 2001 et 2002, la Corporation Archéo-08 et ses partenaires (Parcs Canada, le gouvernement du Québec, le Conseil de la Première nation Abitibiwinni, le Conseil de Développement des Ressources humaines algonquines de l’Abitibi, ainsi que la municipalité de Gallichan) ont participé à un projet de valorisation de la pointe Apitipik. Ce projet comprenait la fouille du site Réal (DdGt-9), un inventaire paléohistorique et historique à Roquemaure et à l’île aux Folles, ainsi que la fouille du poste de traite Pano.

Dans les années 1970, monsieur Joseph Bérubé a découvert le site de l’ancien poste de traite Pano (DdGt-30). Ce poste fut érigé entre 1720 et 1765. D’après le récit historique d’un employé de la Compagnie de la Baie d’Hudson, John Thomas, il comportait à l’époque trois structures et une palissade. En 1992, la Corporation Archéo-08 avait procédé à une évaluation préliminaire de ce site en y creusant une dizaine de sondages. Cette intervention a permis de confirmer le potentiel du site, ainsi que la date qui lui avait été assignée.

Figure 1. Chart of part of Hudson’s Bay and Rivers & Lakes falling into it by Philip Turnor (détail). 1782-1783. Source : Hudson’s Bay Company Archives, G.1/1.

La Corporation Archéo-08 cherchait à déterminer l’époque des premières occupations européennes dans la région de l’Abitibi-Témiscamingue et documenter les activités de traite des fourrures associées à cette occupation. Au départ, les archéologues avaient noté la présence de monticules et de dépressions. Ils soupçonnaient alors la présence d’anciennes structures associées au poste de traite. Ils ont alors cherché à isoler le cœur de la structure de sa périphérie.

L’équipe a enregistré toutes les informations pertinentes relatives au site et à ses unités de fouille sur des fiches de lots. Les descriptions des sols, les types d’artefacts trouvés dans l’unité et leur profondeur s’y trouvent, entre autres. Ils ont creusé les unités d’excavation avec des truelles. La plupart des sols déplacés ont été finement tamisés. Le tamisage est particulièrement utile sur les sites de postes de traite ou dans les zones connues pour contenir des perles de verre. En effet, elles sont suffisamment petites pour passer facilement inaperçues.

La Corporation Archéo-08 a identifié trois séquences d’occupations sur le site de Pano. La première occupation est probablement préhistorique. Cette occupation autochtone est entre autres observable par la découverte d’un grattoir en quartzite de Cadillac, une pointe de projectile associée à la période Archaïque, et une pointe plutôt typique de la période du Sylvicole.

La deuxième occupation est celle du poste de traite, du milieu du XVIIIe siècle jusqu’ à environ 1790. Cette occupation se reflète notamment par une quantité importante de perles de verre, soit des artefacts souvent échangés entre les colons européens et les Autochtones. Une pipe en stéatite, le rebord d’une assiette en faïence, et des éclats de pierres à fusil ont aussi été trouvés. À la fin de cette deuxième phase d’occupation, les bâtiments ont été démolis et le poste abandonné.

Figure 2. Page couverture du rapport d’Archéo-08 portant sur le site Pano en 2003. Source : Corporation Archéo-08.

Une troisième occupation du site Pano fut notée par les archéologues. Datant du XXe siècle, l’occupation est visible par des foyers de surface. Cette occupation est interprétée comme le signe d’une halte ou d’un bref campement de chasseurs ou de campeurs.

En 2002, la deuxième année de fouille a permis de récupérer 24 528 artefacts archéologiques. Elle a aussi permis de mettre au jour plusieurs structures liées à l’occupation historique du poste de traite Pano. Les archéologues y ont découvert une structure qui contenait un cellier, ou qui était semi-souterraine. Ils ont également découvert une partie de la palissade qui aurait entouré ce site. Cette découverte permet ainsi de circonscrire les limites du site et de confirmer les écrits de John Thomas. Cette année de fouille a également mis au jour 10 100 perles de verre, sans doute associées aux activités de traite des fourrures. Au total, cette collection comprenait 13 567 perles de verre.

 

Figure 3. Divers types de perles trouvés sur le site Pano en 2001. Source : Corporation Archéo-08.

On peut ainsi comprendre pourquoi, à la fin de la campagne de fouille, les archéologues ont recommandé de poursuivre les travaux pour mieux comprendre l’organisation de ce site d’une richesse remarquable.