Photo qui coiffe le billet : Plan of a portion of the North West section of the Upper Ottawa river. Section 5 (détail). John Bignell, 1895. Source : BAnQ, Québec, Fonds Ministère des Terres et Forêts, publications et archives gouvernementales, E21,S555,SS1,SSS18,P127/5.

Un texte de Guillaume Marcotte, historien

L’avenue du Portage, à Rouyn-Noranda, évoque les balbutiements de la ville, à une époque où les déplacements en direction du lac Osisko devaient se faire surtout par voie d’eau. Le portage qui se trouvait sous le bitume actuel ne fut toutefois pas le seul à relier le plan d’eau aux différentes routes de canot disponibles dans les alentours. Nous vous invitons dans ce billet de blogue à faire un tour des sentiers de portage du lac Osisko.

Situé dans le bassin hydrographique de la rivière Kinojévis, elle-même un affluent de l’Outaouais, le lac Osisko a surtout été relié aux voies navigables grâce à un sentier de portage situé tout près du ruisseau Osisko. En effet, les bateaux de passagers ou de marchandises ont le plus souvent emprunté la Kinojévis jusqu’à la hauteur du lac Routhier, pour atteindre ensuite le lac Rouyn. De cet endroit, le portage au nord-ouest du lac Rouyn permettait de rejoindre le lac Osisko, puisque le ruisseau Osisko lui-même n’était pas suffisamment profond. Le lac Rouyn constituait ainsi le point de débarquement des marchandises et des passagers, le landing comme on l’appelait dans les années 1920. Ce portage datait de bien avant l’arrivée des prospecteurs, puisqu’on le remarque déjà sur une carte de 1895. Il s’agissait assurément d’un portage d’origine autochtone.

Figure 1. Plan of a portion of the North West section of the Upper Ottawa river. Section 5 (détail). John Bignell, 1895. Source : BAnQ, Québec, Fonds Ministère des Terres et Forêts, publications et archives gouvernementales, E21,S555,SS1,SSS18,P127/5.

Ce même sentier de portage apparaissait encore sur une carte du canton de Rouyn dressée en 1923, probablement peu de temps avant l’établissement de la famille Dumulon au lac Osisko.

 

Figure 3. Canton de Rouyn. Comté de Témiscamingue. Hector Paquin, 1938 (détail). Source : BAnQ, Québec, Fonds Ministère des Terres et Forêts, publications et archives gouvernementales, E21,S555,SS1,SSS1,PR.37B.

Toutefois, à l’été 1924, Jos Dumulon décida d’aménager un autre sentier de portage pour relier le lac Rouyn au lac Osisko; mais cette fois le nouveau sentier devait déboucher sur ce dernier lac à l’endroit où il avait fait bâtir son magasin général la même année. Ce second sentier de portage sera plus tard « ponté », c’est-à-dire couvert de billots de bois afin d’éviter le plus possible la circulation dans la boue. On appelait ce type de chemin, « chemin corduroy ». Le nouveau chemin des Dumulon semble être celui indiqué sur la carte du canton de Rouyn dressée en 1938.

 

Figure 2. Canton de Rouyn, comté de Témiscamingue. Jules-Paul Castonguay, 1923 (détail). Source : BAnQ, Québec, Fonds Ministère des Terres et Forêts, publications et archives gouvernementales, E21,S555,SS1,SSS1,PR.37.

Ainsi, le lieu de débarquement pour les grands bateaux s’est déplacé vers cette époque du nord-ouest du lac Rouyn, vers le sud-ouest du lac. C’est à ce dernier endroit que le village éphémère de Mercier vit le jour. Aujourd’hui, le réseau de sentiers pédestres du lac Rouyn permet de découvrir ce secteur boisé qui a vu transiter, il y a un siècle, nombre de pionniers de Rouyn-Noranda.
En dehors des portages les plus fréquentés (ceux menant au lac Rouyn) deux autres trajets sont documentés. L’avenue du Portage actuelle a ainsi été construite à même un sentier qui reliait le lac Osisko au petit lac Édouard, aujourd’hui enclavé dans la ville, d’où un second sentier menait ensuite au lac Pelletier. Ce dernier permettait aussi de rejoindre la Kinojévis, via les lacs Beauchastel et Bruyère. Ces sentiers auraient été ouverts en 1918-1919 par des employés de la compagnie Riordon, marchande de bois. D’autres sources mentionnent ce même portage comme étant d’origine autochtone plus ancienne.

Figure 4. Canton de Rouyn, comté de Témiscamingue. Jules-Paul Castonguay, 1923 (détail). Source : BAnQ, Québec, Fonds Ministère des Terres et Forêts, publications et archives gouvernementales, E21,S555,SS1,SSS1,PR.37.

Finalement, un dernier sentier de portage reliait le nord du lac Osisko au lac Dufault. Illustré sur une carte de 1895, ce portage était probablement lui aussi très ancien. La carte de Bignell de 1895 nous instruit aussi sur les toponymes en usage à ce moment. Le lac Dufault y est nommé Lac des Îles, ou Natapijigue.

Figure 5. Plan of a portion of the North West section of the Upper Ottawa river. Section 5 (détail). John Bignell, 1895. Source : BAnQ, Québec, Fonds Ministère des Terres et Forêts, publications et archives gouvernementales, E21,S555,SS1,SSS18,P127/5.

Tout comme pour de nombreuses villes canadiennes, comme Winnipeg ou Gatineau, la toponymie reliée aux portages a laissé sa marque à Rouyn-Noranda. Devenus pour certains des artères achalandées, ces anciens sentiers nous rappellent encore aujourd’hui l’importance des voies d’eau pour les générations qui nous ont précédé.